samedi 15 mai 2010

Cours "Décolonisation et émergence du Tiers-Monde"

DÉCOLONISATION ET
EMERGENCE DU TIERS-MONDE


I) LES ORIGINES DE LA DÉCOLONISATION

A) L’AFFAIBLISSEMENT DES PUISSANCES COLONIALES :
LES EFFETS DE LA 2NDE GUERRE MONDIALE

Comme en 1914, les colonies ont été entraînées dans la guerre par les métropoles. Elles ont largement contribué à l’effort de guerre. Ainsi, quelques deux millions d’Indiens ont servi dans l’armée britannique. Des opérations militaires se sont déroulées sur le territoire des colonies, comme par exemple en Indonésie hollandaise ou en Indochine française.
L’Axe a essayé de soulever les colonies contre leurs métropoles. Les Japonais en Asie se sont présenté comme les libérateurs des hommes blancs et ont promis l’indépendance. Les Allemands ont fait de même en Afrique et notamment en Tunisie.
Malgré ces promesses, les colonies sont restées fidèles à leurs métropoles et ont choisi de résister à l’Axe. En échange, elles espèrent une amélioration de leur sort.

La 2nde Guerre mondiale a considérablement affaibli les puissances coloniales comme la France ou le Royaume-Uni. Les Européens portent la responsabilité de la guerre. Pour la seconde fois en moins de 50 ans, les horreurs commises par "l’homme blanc" ternissent l’image de ceux chargés, soi-disant, de "civiliser" le monde. Certains colonisateurs, comme la France, la Belgique et les Pays-Bas, vaincus en 1940 et occupés, ont beaucoup perdu de leur prestige. Léopold Sédar Senghor exprime assez clairement son exaspération quant à la soi-disant supériorité de la race blanche… (DOC 2 p.170)

B) LE ROLE DES MOUVEMENTS NATIONALISTES

Ces mouvements nationalistes sont nés pour la plupart dans l’entre-deux-guerres, parfois même avant, comme le Parti du Congrès né en Inde à la fin du XIXe siècle. Ils sont souvent le fait d’une élite indigène, ayant parfaitement assimilé la culture européenne (cf. Gandhi et Nehru qui ont fait leurs études de droit en Angleterre, L. Sédar Senghor ayant fait ses études à Paris, tout comme Bourguiba…). Ils vont retourner contre les Européens leurs propres arguments : liberté, égalité, fraternité, droit des peuples à disposer d’eux-mêmes…
Ces mouvements nationalistes dénoncent la domination européenne et l’exploitation des peuples des colonies. Ils retrouvent leur identité nationale, niée par les colonisateurs, dans le passé, les coutumes, la langue et la religion (cf. Senghor célébrant la négritude et la culture africaine + DOC 2 p. 170).
Les chefs de ces mouvements nationalistes doivent être connus : Nehru en Inde avec le Parti du Congrès, Bourguiba fondateur du Neo-Destour tunisien, Hô Chi Minh et sa Ligue révolutionnaire pour l’indépendance du Viêt-nam (ou Viêt-minh) en 1941…
Les revendications de ces mouvements nationalistes varient : certains réclament l’autonomie (c'est-à-dire plus de liberté pour gérer eux-mêmes leurs propres affaires dans les colonies, sans forcément rompre avec la métropole), d’autres purement et simplement l’indépendance.

C) LES SOUTIENS INTERNATIONAUX

Les colonies cherchant à s’émanciper vont bénéficier après 1945 de soutiens : TP "Un contexte général international favorable".
- L’URSS condamne le colonialisme pour des raisons idéologiques : c’est une forme de domination du système capitaliste. La décolonisation pour elle doit permettre l’affaiblissement du camp occidental et le ralliement des nouveaux États à la cause communiste.
- Les É-U sont le 1er État décolonisé du monde (XVIIIe siècle). Ils sont donc favorables à la décolonisation par principe. Mais à une seule condition : elle ne doit pas favoriser la progression du communisme…
Autant dire que la décolonisation va être un enjeu de poids dans les relations entre les Deux Grands, dans le contexte de l'affrontement Est/Ouest, chacun cherchant à étendre son influence tout en empêchant celle de l’autre camp.
- l’ONU : dans sa Charte de 1945, elle proclame l’égalité des peuples et leur droit à disposer d’eux-mêmes. Elle va donc soutenir la décolonisation.
- Les pays nouvellement indépendants, qui à mesure de la décolonisation, vont soutenir les peuples encore dominés.

II) ÉTAPES ET FORMES DE LA DÉCOLONISATION

CARTE 1 p. 170

A) DE L’ASIE À L’AFRIQUE

La décolonisation débute en Asie. L’Inde britannique devient indépendante en 1947. Puis vient le tour de l’Indonésie hollandaise en 1949, puis de l’Indochine française en 1954.
Puis le mouvement de décolonisation s’étend en Afrique. Au Proche-Orient, en 1945, la France a déjà renoncé à ses mandats sur le Liban et la Syrie (anciens territoires de l'Empire ottoman, vaincu de la guerre de 1914-1918). En 1947, les Britanniques se retirent de Palestine : l’État d’Israël naît.
Vient ensuite, en Afrique du Nord, l’indépendance du Maroc et de la Tunisie français (1956) et de l’Algérie (1962). Au début des années 60, commence l’indépendance des colonies d’Afrique Noire. Le dernier empire colonial à tomber = celui du Portugal (Angola et Mozambique en 1975).

B) DÉCOLONISATION PACIFIQUE ET DÉCOLONISATION VIOLENTE

Selon les colonies, l’attitude de la métropole et la période, l’indépendance est obtenue par la négociation ou par la lutte armée.

1) LA DÉCOLONISATION PACIFIQUE
Le cas le plus caractéristique est celui de l’Inde (cf. le TP n°2 comparant les indépendances indienne et algérienne et DOSSIER p. 168-169). Depuis l’entre-deux-guerres, Gandhi et Nehru prônent l’action non violente contre la présence anglaise. Ils rencontrent une réelle volonté britannique de conciliation. Durant la guerre, la GB a promis l’indépendance à l’Inde et celle-ci l’obtient sans heurts en 1947, après deux ans de négociations sur le sort des musulmans minoritaires. En 1947 naissent donc deux États séparés : l’Union Indienne hindoue et le Pakistan musulman (NB : les affrontements sanglants vont venir après l’indépendance entre hindous et musulmans)
Autres bons exemples de décolonisation sans violence : Le Maroc et la Tunisie. Les indépendantistes de ces deux Etats ont du lutter pour obtenir l'indépendance en 1956, mais sans que cela dégénère en guerre). Mais aussi l’Afrique Noire française à laquelle la loi-cadre de Gaston Deferre (ministre de la France d’Outre-mer sous le gouvernement Mollet) accorde l’autonomie en 1956, dans le cadre d’une communauté franco-africaine. En 1960, l’indépendance totale est accordée, les nouveaux États créés conservant très souvent des liens de coopération avec leur ancienne métropole (DOCS 3 p. 170 et 1 p. 182).

2) LA DÉCOLONISATION VIOLENTE, PAR LES ARMES
Certaines colonies ont été obligées de mener de très dures guerres d’indépendance pour obtenir leur liberté, qui ont causé la mort de dizaines de milliers de personnes. C’est le cas de l’Indonésie hollandaise évacuée en 1949, ou du Kenya britannique (révolte des Mau-Mau) indépendant en 1963.
La France a aussi mené des guerres coloniales :
- En Indochine : Hô Chi Minh a proclamé l’indépendance du Viêt-nam dès 1946 (DOC 2 p. 164). Mais l’armée française (encore humiliée par la défaite de 1940) s’y refuse au nom de la grandeur de la France. Commence alors la guerre qui va durer jusqu’en 1954. Les Viêt-minh communistes menant une guérilla très efficace avec l’aide de l’URSS et de la Chine (à partir de 1950). Après la défaite de Diên Biên Phu (1954), signature des accords de Genève. Naissent 4 États : Le Nord Viêt-nam communiste, le Sud Viêt-nam pro-américain, le Laos et le Cambodge.
- En Algérie : 8 années de guerre de 1954 à 1962 opposant le Front de Libération Nationale (FLN), soutenu par le Maroc, la Tunisie et l’Égypte de Nasser, au colonisateur français. 1962 : Les accords d’Evian accordent l'indépendance à l'Algérie. (Cf. le TP n°2 comparant les indépendances indienne et algérienne + DOSSIERS p.183 et p. 272-273).

III) UN TROISIÈME MONDE : L’ÉMERGENCE DU TIERS-MONDE

Expression Tiers-Monde créée par le français A. Sauvy en 1952, en référence au Tiers État de 1789, majorité qui n’est rien politiquement et qui aspire à devenir quelque chose.

A) UNE VOLONTÉ COMMUNE : BANDUNG 1955 (CARTE 1 p. 172)

En 1955, l’Inde, l’Indonésie, la Birmanie, Ceylan et le Pakistan décident d’inviter les pays asiatiques et africains, nouvellement indépendants ou ayant subi l’impérialisme européen, à une conférence pour « examiner leurs intérêts mutuels et communs » et notamment ceux concernant leur « souveraineté nationale ainsi que le racisme et le colonialisme ». 29 pays viennent effectivement à Bandung (ou Bandœng, ville d’Indonésie). URSS et É-U ne sont pas invités.
Les principaux animateurs de la conférence sont Nehru (Inde), Zhou Enlai (Chine) et Nasser (Égypte). Nehru estime que l’Asie et l’Afrique ont des problèmes particuliers et ne sont pas concernées par la division Est/Ouest. Outre la condamnation du colonialisme et la déclaration d’une solidarité avec les peuples encore opprimés, la conférence propose, pour soustraire ce monde de la Guerre Froide, un non-alignement ou neutralisme (Mouvement des non-alignés qui se met définitivement en place à la conférence de Belgrade en 1961).
Au cours de cette conférence, les représentants des 29 pays présents ont affirmé leur volonté d’être des acteurs à part entière dans les relations internationales (et effectivement leur poids va aller grandissant à l’ONU). Si tous ne sont pas favorables au non-alignement (certains préfèrent des alliances avec les É-U ou l’URSS), tous condamnent la colonisation présente en Afrique.

B) MAIS UNE DIFFICILE UNITÉ

L’unité politique de ce Tiers Monde qui est en train d’émerger a du mal à se réaliser. Dans le contexte de la Guerre Froide, il va devenir un enjeu pour É-U et URSS, les Deux Grands profitant des leurs difficultés pour étendre leur influence. Tous les pays nouvellement indépendants ne rentrent pas dans le mouvement des non-alignés. Certains choisissent le camp communiste (Cuba, le Nord Vietnam…), d’autres, comme la plupart des anciens territoires d’Afrique française choisissent le camp de l’Occident.
Lors de guerres locales, les belligérants cherchent l’appui de l’un ou l’autre bloc.

C) DES ÉTATS FRAGILES

La plupart des nouveaux États sont extrêmement fragiles et connaissent un faible niveau de développement.

Les difficultés éco viennent surtout des colonisateurs. Les métropoles ont mis en place une économie tournée vers leurs propres besoins : matières premières, cultures commerciales (caoutchouc par exemple) au détriment des cultures vivrières (ce qui fait que les besoins alimentaires d’une population en pleine explosion démographique ne sont pas assurés), l’industrialisation a été négligée…
Cette explosion démographique pose de graves problèmes. Pour développer l’enseignement, former des travailleurs qualifiés, créer des hôpitaux, construire des routes et des usines, il faut des capitaux (de l'argent!). N’en ayant pas, les pays du Tiers-Monde empruntent aux pays industrialisés, leurs anciennes métropoles, auprès desquels ils s’endettent dangereusement.
Les pays du Tiers-Monde subissent une dépendance d’un nouveau genre vis-à-vis des ex-métropoles. Capitaux, biens d’équipement et biens alimentaires sont échangés contre des produits de base à des prix fixés par les pays riches (ceux-ci ayant toujours les mêmes besoins en matières premières…) Impossible donc de mettre fin aux cultures commerciales par exemple, sinon on perd sa "monnaie d’échange" avec les pays riches. C’est le cercle vicieux. Un NEO-COLONIALISME économique a fait suite au colonialisme politique

Les difficultés politiques sont aussi héritées de la période coloniale. Les frontières sont restées celles tracées par les Européens. Or, celles-ci ont été mises en place sans que l’on tienne compte des différents peuples. Dans un même pays, on trouve des peuples que tout oppose : langue, religion, culture… C’est là la source de beaucoup des conflits ethniques qui déchirent l’Afrique, des coups d’État militaires aux guerres civiles si sanglantes (CARTE 1 p.186).

En 1964, à la demande des États du Tiers monde, l’ONU a décidé de créer la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED). Celle-ci se réunit régulièrement et réfléchit à une organisation économique du monde plus juste, permettant de diminuer les écarts entre pays riches (le Nord) et pauvres (le Sud). Autant dire qu’il leur reste pas mal de travail…

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